En Macronie, l’affligeante interview de Delahousse est “un exemple” de ce que doit devenir le service public

Ce dimanche 17 décembre, deux députés LREM ont tweeté le même message louant l’interview complaisante d’Emmanuel Macron par Laurent Delahousse sur France 2, comme un “bel exemple de ce que doit être le service public de l’audiovisuel”. Pas très rassurant, à l’heure où le Président leur demande de se pencher sur le dossier France Télévisions.

Le “nouveau monde” se montre parfois si old school… Nouvel exemple ce dimanche 17 décembre, quand deux députés La République en Marche (LREM) ont applaudi publiquement l’interview d’Emmanuel Macron par Laurent Delahousse sur France 2, en des termes plutôt inquiétants pour l’avenir de l’information sur le service public. La séquence a en effet affligé non seulement l’opposition mais aussi une majorité de journalistes et de nombreux téléspectateurs, par sa vacuité. La faute en revient largement à l’inénarrable Laurent Delahousse, dont la faible pertinence des questions n’a eu d’égale que son attitude déférente confinant à la docilité.

Extrait des questions chocs envoyées par la star de France 2 : “Les horloges, elles vous rappellent que ça va vite, un quinquennat ?“, “C’est votre héroïsme politique qui revient, là ?“, “Ça vous agace qu’on dise que le Président, il est trop fort ?“. Bref, cette conversation presque au coin du sapin avait de furieux airs d’ORTF, du temps où le Président De Gaulle était interrogé par un Michel Droit dévoué au culte de sa popularité. Or, qu’y ont vu les députés LREM Céline Calvez et Pascal Bois ? Tous deux ont loué sur Twitter un… “bel exemple de ce que doit être le service public de l’audiovisuel“. Et ce, dans les mêmes termes à la virgule près, ce qui trahit l’élément de langage probablement venu d’en haut (même si Pascal Bois s’en défend, invoquant une maladresse). Une réaction qui n’est pas anodine dans le contexte où s’inscrit cette séquence, d’ailleurs souligné par le mot-dièse qui accompagnait leurs tweets : #BatailleCulturelle.

 

Car une “bataille culturelle”, l’exécutif vient justement d’en engager une avec l’audiovisuel public. Après un début de quinquennat où il n’a pas caché sa méfiance, voire son dédain vis-à-vis des médias français qui seraient notamment incapables de comprendre sa “pensée complexe“, Emmanuel Macron a en effet décidé de se frotter aux seuls sur lesquels le pouvoir peut espérer peser : ceux de France Télévisions/Radio France. Le président de la République a lancé l’offensive frontalement en début de semaine dernière, critiquant vertement le système actuel devant les députés de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée, et allant jusqu’à fustiger selon L’Express “la honte de la République”. Concrètement, après une première coupe dans le budget 2018 de France Télévisions, une réflexion a été annoncée pour l’an prochain.

Dans son entretien avec Laurent Delahousse, le Président confirme vouloir entamer en 2018 une refonte de l’audiovisuel public, à laquelle il tient à faire participer les parlementaires : “Moi je souhaite que d’abord, les acteurs de l’audiovisuel public eux-mêmes, les parlementaires et les professionnels du secteur, puissent participer à un grand travail de réflexion”“Je souhaite aussi que les parlementaires (…) puissent participer”, insiste-t-il, avant de préciser dans quelle direction : “La formation du citoyen, il y a des contenus qu’on est en droit d’attendre du service public (…), c’est ce fond”. Du fond ? Quand on voit la réaction de deux parlementaires macronistes à cette interview en format Mireille Dumas, on peut légitimement se faire du souci sur les recommandations qu’ils prodigueront et donc, sur l’issue de la “bataille culturelle” qui s’ouvre.

Hadrien Mathoux -marianne.fr